Préalablement à l’examen par l’Assemblée Nationale du budget de la Sécurité sociale, la Cour des Comptes effectue une étude des résultats de l’évolution de la protection sociale en France, de la gestion des organismes et élabore des recommandations à l’attention des élus.
Certes, ce rapport ne s’adresse pas aux salariés des organismes pourtant il serait intéressant pour eux qu’ils en prennent connaissance du moins de la partie se rapportant à leur activité, ils resteraient interloqués par le gouffre existant entre leur vécu au travail, leur implication quotidienne dans l’accomplissement des tâches , au stress ressenti face à la charge de travail, à l’agressivité et aux menaces subies au quotidien par certains en raison de ressortissants mécontents et les constats, jugements, recommandations péremptoires prononcés par les membres de la Cour qui ignorent tout du vécu des acteurs.
Quelques exemples relevés dans la partie relative à la qualité de la gestion des caisses permettront d’illustrer le gouffre pouvant exister entre la vision des décideurs et le vécu des exécutants proches des réalités du quotidien des publics concernés.
On peut admettre qu’il y ait deux visions et deux approches différentes mais il est tout à fait inacceptable que le politique, le décideur, soit ainsi tenu coupé, éloigné finalement aveugle sur la réalité du vécu d’une partie de la société dont la prise en considération serait tellement nécessaire à une bonne gouvernance.
La Cour relève que :
La gestion des caisses ne représente que 3 % des dépenses totales qui atteignent 10 Md€ ;
En 5 ans des gains de productivité non négligeables ont été réalisés toutefois ces gains sont souvent en deçà de ce qui aurait pu être obtenu ;
Pourtant dans la branche vieillesse le coût unitaire global s’est réduit entre 2005 et 2008 de – 20 %, dans la branche maladie le coût du « BAP » a diminué de – 11,6 % sur la même période, dans le recouvrement le coût unitaire d’un compte actif a diminué de – 4,9% entre 2006 et 2009, dans la branche famille le coût par allocataire pondéré a diminué entre 2005 et 2009 de – 2,3 % ;
Corrélativement, les effectifs ont diminué !
La baisse des effectifs du régime général est la plus importante dans la branche maladie, principalement sur le pôle production ou le nombre d’ETP (emploi temps plein) a diminué de 6000 unités depuis 2005, ce qui a représenté un taux de remplacement de départ en retraite de moins de 50 %, ce taux devant atteindre 55 % à échéance de 2013, contre 70 % pour la vieillesse et plus de 90 % dans le recouvrement et la famille mais il ne faut pas se réjouir pour autant puisque l’on peut mieux faire, en effet, l’IGAS estime qu’une économie de 12 000 emplois (ETP) est possible à terme dans la branche maladie par alignement du réseau sur le ratio d’activité par emploi des meilleures caisses.
A titre de simple comparaison, on peut s’interroger sur les résultats obtenus dans la fonction publique territoriale ?
MAIS A LA SECURITE SOCIALE CE N’EST PAS ASSEZ SELON LA COUR
Il y a nécessité de systématiser l’effort en matière de productivité
La grande affaire de la Cour est de faire tomber les rigidités dans la gestion des RH. Pour cela, il faut s’attaquer à cet accord scélérat de 2006 relatif aux garanties conventionnelles dans le cadre de l’évolution des réseaux, ou il n’y a pas de mobilité imposée et cela malgré le statut de droit privé du personnel de la sécurité sociale.
Cette situation est curieusement comparée à celle de l’éducation nationale ou chaque année en vertu de la carte scolaire 4000 enseignants du second degré font l’objet d’une mutation soit environ 10 à 14 %, sachant que l’ensemble des mutations à pour origine les modalités retenues pour l’affectation des jeunes enseignants, à 600 ou 800 kms de leur domicile et qui, ensuite, chaque année demande une mutation pour se rapprocher de leur base familiale, cela pouvant durer quatre à cinq ans.
A vouloir trop prouver, la Cour prend un bien mauvais exemple. En étant plus éclectique la Cour aurait présent en mémoire que pour plus d’un salarié sur deux, ne pas avoir à déménager est un critère très important dans le choix d’un nouvel emploi !
Mais il ne faut pas perdre de vue que cette attaque en règle contre l’absence de mobilité vise principalement les cadres dirigeants et surtout la quasi impossibilité pour les caisses nationales de mettre fin aux fonctions des directeurs et agents comptables pour des raisons autres que disciplinaires et de lutter contre la longueur des mandats.
Même si des mandats de directeur peuvent être estimés trop longs ce n’est pas ipso facto une source de mauvaise gestion.
Mais sur ces derniers points la Cour a été entendue puisque le rapport commandé par le Ministre du travail à Mme A. MOREL met en branle le chantier pour à terme permettre aux caisses nationales d’avoir toute latitude pour imposer les mobilités.
A ce propos, même si ce n’est pas l’objet principale de notre réflexion, disons cependant : « attention à l’effet de balancier ». Il n’est pas souhaitable d’aller chercher de soit disant bonnes solutions dans la fonction publique d’Etat ou les contre exemples sont nombreux. Entre inamovibilité et valse des titulaires, il faudra trouver la bonne mesure et surtout éviter que selon les « humeurs » des directeurs des caisses nationales, décidant sans contre pouvoirs, on porte gravement atteinte à des climats de confiance qui le plus souvent s’instaurent dans les équipes des caisses.
Certes, la Cour vise principalement les cadres dirigeants, c’est clair, il faut :
« Renforcer l’intervention des caisses nationales dans la sanction des directeurs et agents comptables, mais n’entend pas s’arrêter là car c’est l’ensemble du personnel qui doit entrer dans la danse.
Pour cela, il convient :
« d’anticiper et de préparer une renégociation de l’accord relatif aux garanties conventionnelles apportées dans le cadre de l’évolution des réseaux aux fins d’une plus grande fluidité des parcours professionnels des agents ».
AUTRE PRIORITE DE LA COUR
UN MAILLAGE ENCORE TROP FIN
Après avoir connu des décennies où il fallait aller à la rencontre de l’usager, changement de cap.
« Des fusions aux conséquences pratiques limitées » estime la Cour.
Indiquons qu’au 1er janvier 2010, 48 CPAM ont fusionnées, au 30 décembre 2011 les CAF seraient départementalisées et il convient d’ajouter que d’ici 2013 les URSSAF seront régionalisées, avec pour conséquence la suppression de 100 postes d’agents de direction, dans l’immédiat on ne connaît pas l’impact sur le personnel d’encadrement.
Concernant la branche du recouvrement, la Cour insiste en soulignant que la régionalisation du réseau fera coexister des instances départementales et régionales donc, semble-t’il, inutilement. Ce n’est pas tout à fait le sens du projet mais qu’importe.
On poursuit la logique trop de structures, trop de dépenses et bien sûr trop de personnel.
Pourtant, les points d’accueil ont diminué de façons significatives, entre 2005 et 2009, 1200 en assurance maladie, 255 dans la famille et 446 dans la vieillesse.
LA COUR A ENFIN RECOURS A L’ARME ABSOLUE
SIMPLIFIER PRIORITAIREMENT LES REGLES
La Cour recommande la simplification administrative comme devant être un chantier prioritaire, cela afin que la dématérialisation et la mutualisation produisent leur plein effet. Seule solution éviter au moment de l’élaboration des textes la complexité législative et réglementaire.
Comment la Cour ose formuler un tel vœu, nécessairement pieux. En effet, tous les colloques, les groupes de réflexions ont conclu leurs travaux depuis des décennies sur cette exhortation : la simplification administrative, source d’efficacité, de productivité, d’amélioration non seulement du travail, des acteurs mais aussi des relations avec les usagers à même de mieux comprendre leur situation.
Mais on peut affirmer sans crainte d’être démenti que ce n’est jamais une préoccupation du politique, ni celle des administrations centrales.
Personnel des organismes n’attendez aucun miracle dans ce domaine pour faciliter votre tâche et votre confort au travail.
C’est ainsi que nous avons tenté de décrire comment la façon de servir du personnel des caisses et organismes était analysée et jugée par la Cour des comptes.
Mais nous quelle perception avons- nous de tout cela ?
Qu’avons-nous à dire de ces constats, conclusions, recommandations élaborés par la Cour à l’attention des élus de la Nation mais nous concernant dans notre action au quotidien.
Que pouvons-nous retenir de tout cela ?
-Nous sommes trop nombreux et donc insuffisamment efficaces ;
- Les usagers pourraient s’attendre à un service de meilleure qualité ;
- Nous sommes des privilégiés à qui on n’impose pas, contre notre gré, une mobilité professionnelle alors que nous avons un « statut » de droit privé ;
- Nous avons accompli nos tâches en pleine évolution des structures et de réduction des effectifs ;
- Nous avons pallié, de notre mieux, à l’impréparation fautive des travaux résultant de la mise en œuvre du RSA et de l’ISU.
Nous pouvons retenir que ces salariés qui s’impliquent au quotidien pour servir le mieux possible l’usager sont des inconnus.
Cet « inconnu » qui participe en première ligne aux gains de productivité, n’en perçoit jamais le bénéfice, malgré les promesses en matière salariale faite par la direction de la Sécurité sociale (il convient de le rappeler ici).
Cet inconnu participe aux changements résultant des évolutions de structures, sans que l’on prenne le soin de lui expliquer les finalités.
Cet inconnu a, certes, le sentiment diffus et angoissé que ces bouleversements porteront atteinte à ses perspectives de carrière, mais qui s’en préoccupe.
Alors à lire les constats péremptoires et déshumanisés effectués par la Cour des Comptes à l’attention des décideurs, les agents et les cadres ne peuvent que ressentir un profond découragement.
Mais pourquoi s’intéresser à cette absence de reconnaissance puisque les allocations familiales, les pensions, les rentes sont toujours payées sans retard !!!
Michel PILLOT
Président d'honneur de la Fédération Nationale de l’Encadrement des Organismes de Sécurité Sociale, Allocations Familiales et Assimilés