Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
9 mars 2016 3 09 /03 /mars /2016 15:33

Projet de loi EL KHOMRI : L'analyse de Gérard FILOCHE (ancien Inspecteur du travail, Membre du Bureau national du PS).

"Nous avons fait une analyse détaillée article par article de la dernière version du projet de loi El Khomri : vous la trouverez ci-dessous sur ce blog. Nous avons travaillé à une analyse suivie et précise de l’enchaînement des lois réactionnaires issues de l’ANI (11 janvier 2013), de la loi Sapin (14 juin 2013) des lois Macron (8 août 2015) Rebsamen (17 août 2015) des rapports Combrexelle, Mettling, Badinter… Le livre qui résume cela, Abauzit Filoche 220 000 signes, 172 pages, 12 euros, parait le 12 mars aux Éd. Le Vent se lève.

On n’aura jamais vu, à froid, depuis un siècle pareille agression contre leurs droits, de leur vie pour des millions de salariés. Mais pour bien les combattre, il faut les décortiquer. Ici Jean-Jacques Chavigné a fait un « condensé » de la fin : résumé de la dernière loi El Khomri, utile pour tous vos exposés et interventions en ce mois de mars et de luttes.

I- La 1re régression majeure : le retour au droit d’avant 1910

Avant 1910 : le contrat de travail était un contrat de droit commercial.

Un contrat de gré à gré, négocié individuellement par un salarié face à un employeur : le pot de fer contre le pot de terre.

1906 : la catastrophe de Courrières.

- 1.099 mineurs sont tués, victimes d’un « coup de grisou ». La révélation des circonstances du drame soulève une énorme indignation, suscite une grève générale des mineurs du Pas-de-Calais et oblige les gouvernements en place à mettre en place un ministère du Travail puis à instaurer un Code du travail.

- Les mesures de sécurité étaient rudimentaires : les intérêts des actionnaires des Houillères avaient primé sur la protection des mineurs.

- Les mesures de sauvetage ont privilégié le sauvetage du matériel aux dépens du sauvetage des êtres humains.

- Les recherches de mineurs ensevelis ont été abandonnées pour que le travail puisse reprendre rapidement, dans l’intérêt des actionnaires.

1906 : Mise en place pour la 1re fois (sous le gouvernement de Georges Clémenceau) d’un ministère du travail

1910 : Naissance du Code du travail

Ce droit dissocie les droits des salariés des intérêts de l’entreprise. Le droit du travail n’a qu’une seule fonction : protéger les salariés.

Ce droit reconnaît l’existence d’un lien de subordination entre le salarié et son employeur. La contrepartie de ce lien de subordination est la création d’un droit protecteur, le droit du travail.

Désormais, le contrat de travail permet à tout salarié de bénéficier de droits collectifs qu’il n’aurait jamais pu acquérir seul, dans le cadre d’un contrat commercial.

2016 : Le Projet de Loi El Khomri (PDL) remet en cause les bases mêmes du droit du travail. Le PDL met fin à l’autonomie des droits des salariés face aux intérêts des employeurs.

L’intitulé du PDL exprime très explicitement la fin de cette autonomie : « nouvelles libertés et nouvelles protections pour les entreprises et les actifs ». Le mot « salarié » n’est même plus employé et – l’ordre des mots est important - la protection des entreprises passe avant celles des humains (les « actifs »).

L’article 1 (Page 1) du PDL affirme que les droits fondamentaux des personnes sont limités « par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise »

Le PDL remet en cause le lien de subordination qui justifie l’existence d’un Code du travail protecteur des droits des salariés

Le Medef qui nie l’existence du lien de subordination et considère qu’il s’agit d’une « soumission librement consentie », ne justifiant aucune contrepartie en termes de Code du travail, voit ses exigences reprises par le PDL.

Le PDL reprend, ainsi, à plusieurs reprises (convention individuelle de forfait, travail de nuit…) la notion de volontariat d’un salarié dans l’entreprise. Il faut vraiment n’avoir jamais travaillé dans une entreprise privée pour ne pas savoir que cette notion de volontariat n’a, en un tel lieu, strictement aucun sens.

Manuel Valls parle d’un droit du travail du XXIe siècle, alors le PDL organise un retour au droit du XIXe siècle.

C’est la 1re raison pour laquelle le PDL ne peut pas être amendé. Il doit être retiré.

II- La 2e régression majeure : la fin de la hiérarchie des normes

La fin du « principe de faveur » :

Progressivement, au cours de plusieurs décennies, le droit du travail à mis en place un principe de faveur signifiant :

. Qu’un accord de branche ne peut différer de la loi que s’il est plus favorable aux salariés concernés

. Qu’un accord d’entreprise ne peut différer d’un accord de branche que s’il est plus favorable aux salariés concernés

. Qu’un contrat individuel de travail ne peut différer d’un accord d’entreprise que s’il est plus favorable au salarié concerné.

Avec le PDL, l’accord d’entreprise devient le centre du droit du travail :

Ce n’est pas un hasard. L’entreprise est le lieu où le rapport de forces est le moins favorable aux salariés, d’autant plus que la taille de l’entreprise ou de l’établissement (une subdivision de l’entreprise) est moins importante.

C’est là où se créent, à la demande de l’employeur, des « syndicats maison ». Ces « syndicats maison » appartiennent le plus souvent à des centrales syndicales « représentatives », mais peu regardantes sur les moyens. Leur but principal est, en effet, d’obtenir assez de voix aux élections professionnelles pour pouvoir toujours être considérées comme « représentatives ».

C’est là où le chantage à l’emploi est le plus efficace et, où, un révolver sur la tempe (la menace de licenciements immédiats ou futurs), les syndicats ont le plus de difficultés à refuser la signature d’un accord.

Le PDL instaure une « nouvelle architecture des règles » du droit du travail. Cette « nouvelle architecture » structure tout le PDL :

. L’ordre public (imposable à toutes les entreprises) est réduit à des généralités.

. La négociation collective, dont le champ est très vaste, soumet l’accord de branche à l’accord d’entreprise selon la formule reprise presqu’à chaque page : « Un accord d’entreprise, ou, à défaut, un accord de branche… »

. Le contrat de travail n’apporte plus aucune garantie. Un salarié ne pourra plus refuser la modification de son contrat de travail (durée et organisation du temps de travail, montant du salaire) si un accord d’entreprise augmente la durée du temps de travail et diminue son salaire horaire. S’il refuse, il pourra être licencié pour faute !

C’est la 2e raison pour laquelle le PDL ne peut être amendé et doit faire l’objet d’un retrait.

D’autant que l’article 2 du PDL (Page 7) prévoit que l’ensemble du Code du travail sera, si le projet de loi devient une loi, modifié en donnant « une place centrale à la négociation collective » c’est-à-dire à l’accord de branche. Il restera donc, en volume, environ 75 à 80 % du Code du travail à réécrire pour la soumettre à cette nouvelle architecture.

III- La 3e régression majeure : les multiples reculs apportés au Code du travail par le PDL

Voilà plusieurs exemples significatifs, mais loin d’être exhaustifs, car presque chaque article du PDL entraîne une régression, plus ou moins importante.

La durée du travail hebdomadaire :

- La durée légale est toujours de 35 heures

Mais cette durée légale n’a toujours été que le seuil de déclenchement des heures supplémentaires rétribuées à 25 % de plus pour les 8 premières et à 50 % de plus pour celles qui suivent.

- Le PDL remet gravement en cause l’utilité de ce seuil :

. D’abord, l’article 3 (page 13) permet, par accord d’entreprise, de ramener le coût des heures supplémentaires à seulement 10 % de plus que celui des heures normales.

. Ensuite, l’article 3 (page 15) permet, par accord d’entreprise, de porter la durée de « modulation » de ces heures à 3 ans, au lieu d’un an aujourd’hui.

Cela signifie que les heures supplémentaires, avec un tel accord, ne seront déclenchées qu’à partir de la 3.821e heure et ne seront payées qu’au bout de 3 ans. Il était déjà difficile de comptabiliser ces heures sur une année, prétendre le faire sur une période de 3 ans relève de l’impossible.

. Enfin, l’article 3 (page 12), permet, par accord d’entreprise, de faire travailler les salariés 46 heures par semaine pendant 16 semaines consécutives, au lieu de 14 semaines, aujourd’hui.

Les heures supplémentaires deviennent moins chères que l’embauche et le chômage ne pourra qu’augmenter : surtravail pour les uns ; sous-travail et non-travail pour les autres.

- Les autres durées du travail

- La durée quotidienne maximale

La durée légale maximale est de 10 heures, mais un accord d’entreprise peut, grâce à l’article 3 (page 12) la porter à 12 heures.

- Le travail de nuit

. Pour tous les salariés, le travail de nuit (mieux rétribué) finissait à 6 heures du matin, l’article 3 (page 22) décide qu’il finira à 5 heures.

. Le travail de nuit du personnel navigant commençait à 22 heures, l’article 8 (page 79) décide qu’il commencera à 23 heures.

- La durée de travail des apprentis de moins de 18 ans : article 6 (page 78)

. La durée maximale était de 8 heures par jour, le PDL la porte à 10 heures.

. La durée maximale était de 35 heures par semaine, le PDL la porte à 40 heures.

Faciliter les licenciements :

Les deux articles qui suivent (30 et 30 bis) trouvent leur place dans un Titre intitulé « Favoriser l’emploi » et dans un chapitre dont le titre est « Faciliter la vie des TPE et des PME » !

Le plafonnement des indemnités des licenciements abusifs :

L’article 30 (page 105) du PDL plafonne les indemnités des licenciements ABUSIFS, c’est-à-dire illégaux, « sans cause réelle ni sérieuse » :

- 3 mois de salaire pour un salarié dont l’ancienneté dans l’entreprise est de moins de deux ans.

- 6 mois de salaire si son ancienneté est de plus de deux et moins de 5 ans

- 9 mois de salaire si son ancienneté est de plus de 5 ans et de moins de 10 ans

- 12 mois de salaire si son ancienneté est de plus de 10 ans et de moins de 20 ans

- 15 mois de salaire si son ancienneté est de plus de 20 ans

Le juge perd la faculté d’estimer le préjudice subi par le salarié. Les employeurs pourront programmer les licenciements qu’ils souhaitent réaliser en toute illégalité, sans que cela leur coûte trop cher. Pourtant, la facilitation des licenciements n’a jamais facilité les embauches, elle ne fait que faciliter les licenciements.

Un salarié demande à son employeur « Mais pourquoi me licenciez-vous ? » ; l’employeur lui répond « Pour créer de l’emploi ! » : cela résume assez bien la philosophie du PDL.

- La facilitation des licenciements économiques : article 30 bis (page 107)

Un accord d’entreprise peut permettre à l’employeur d’opérer des licenciements économiques :

. Lorsque la durée de la baisse des commandes ou du chiffre d’affaires a été constatée pendant deux trimestres consécutifs.

. Lorsque la durée des pertes d’exploitation a été constatée pendant un trimestre.

À la différence du droit actuel, le juge n’a plus aucune possibilité d’appréciation, il devra se contenter des chiffres fournis par l’entreprise.

Pire, une entreprise située en France pourra organiser des licenciements économiques, si elle remplit les deux conditions ci-dessus, même si le groupe international auquel elle appartient fait des profits colossaux.

Il n’y a, d’un point de vue comptable, pas la moindre difficulté à faire apparaître deux trimestres successifs de baisse des commandes ou du chiffre d’affaires. Il n’y a pas plus de difficulté à faire en sorte qu’une entreprise française se retrouve en difficulté alors que l’ensemble du groupe international auquel elle appartient baigne dans la prospérité.

Réduction considérable du droit des syndicats et des représentants du personnel :

Les négociations obligatoires :

Par accord d’entreprise, en fonction de l’article 9 (page 79) les négociations obligatoires tous les ans peuvent être organisées tous les 3 ans ; celles qui sont obligatoires tous les 3 ans peuvent l’être tous les 5 ans et celles qui sont obligatoires tous les 5 ans peuvent l’être tous les 7 ans.

Les consultations obligatoires des représentants du personnel :

La plupart des consultations obligatoires de ces instances, prévues par le droit actuel, disparaissent du PDL.

Le référendum d’entreprise :

Les syndicats représentatifs ayant obtenu au moins 50 % des voix aux élections professionnelles peuvent, actuellement, s’opposer à un accord signé par l’employeur et des organisations syndicales représentatives minoritaires.

Avec le PDL, les syndicats représentatifs minoritaires peuvent, s’ils ont obtenu au moins 30 % des voix aux élections professionnelles, en fonction de l’article 12 (page 86), organiser une consultation (un référendum) de l’ensemble du personnel de l’entreprise, pour faire valider l’accord qu’ils ont signé avec l’employeur.

Ce contournement des syndicats représentatifs majoritaires permettra au chantage à l’emploi de jouer à plein, surtout avec les facilités apportées par le PDL aux différentes formes de licenciements.

Les compétences de la Médecine du travail sont amoindries :

Il faut toujours se méfier lorsque le terme « moderniser » est utilisé, cela cache très souvent un mauvais coup. C’est exactement le cas, avec le Titre V du PDL, intitulé « Moderniser la médecine du travail »

Selon le seul article de ce titre, l’article 44 (page 119) :

. La visite médicale n’est plus obligatoire pour le travail de nuit.

. La visite d’embauche n’est plus obligatoire.

. La périodicité de la visite médicale n’est même pas définie.

. Le rôle du Médecin du travail dans le reclassement d’un salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle est minimisé.

Le rôle de l’Inspection du travail est considérablement réduit :

Dans de très nombreuses circonstances où son autorisation était requise, elle ne l’est plus. L’avis de la DIRECTE (ancienne Direction du travail, élargie à d’autres fonctions) lui est préféré. Il est vrai que l’Organisation internationale du travail donne à l’inspecteur un statut d’indépendance, proche de celui d’un magistrat et que le Medef ne supporte plus. Il préfère une autorité administrative directement dépendante du gouvernement. Le PDL répond à ses exigences.

Quelques exemples qui montrent comment le PDL « pourrirait » la vie des salariés :

- Les délais de modification du calendrier des congés :

Actuellement, les salariés doivent être prévenus d’un changement de ce calendrier 1 mois à l’avance. L’article 3 (page 41) permet à un accord d’entreprise de fixer n’importe quel délai. Essayer avec un délai de 7 jours, par exemple de réserver une location d’été ou d’organiser une réunion familiale avec des personnes qui subissent le même traitement dans l’entreprise où ils travaillent.

- Les délais de modification des horaires pour un(e) salarié(e) travaillant à temps partiel :

Aujourd’hui, ce délai est de 7 jours. L’article 3 (page 21) permet de fixer n’importe quel délai. Essayez avec un délai de 2 jours d’organiser votre vie quotidienne. Merci pour les femmes qui subissent 80 % des temps partiels imposés !

- Les congés en cas de décès d’un proche

Sans accord d’entreprise, le congé pour décès de son conjoint, d’un enfant, de son père ou de sa mère est de 2 jours. L’article 4 (page 51) permet à un accord d’entreprise de limiter ce congé à une journée ou même ½ journée.

- Le patron peut fixer par accord d’entreprise le jour du début de le semaine :

Ainsi le BHV Paris propose aux syndicats que la semaine commence le mardi, que le dimanche soit le 5° jour et qu’il ne soit pas majoré, rajoutant qu’il n’est pas prévu par la loi que le repos compensateur soit payé…

IV- La 4e régression majeure : pour la 1re fois, l’arrivée de la gauche ne se traduit par aucune avancée sociale :

Les multiples avancées sociales de la gauche au pouvoir

- En 1936, la chambre du Front populaire adoptait une législation instaurant la semaine de 40 heures, les congés payés, les délégués du personnel, les conventions collectives

- En 1945, le gouvernement à majorité PS et PC mettait en place la Sécurité sociale, les Comités d’entreprise, le statut de la Fonction publique. Ce statut est dans la ligne de mire de la droite comme de Manuel Valls et d’Emmanuel Macron. Il est significatif que la députée de droite (LR), Nathalie Kosciusko-Morizet, soutienne le PDL et appelle à en finir avec le statut de la Fonction publique.

- En 1981, l’Assemblée nationale où la gauche était majoritaire votait les 39 heures et la retraite à 60 ans.

- En 1999, sous le gouvernement de Lionel Jospin, la gauche plurielle, majoritaire à l’Assemblée nationale, adoptait la semaine de 35 heures et la CMU.

Depuis juin 2012, le droit du travail n’a enregistré que des reculs destinés à « flexibiliser le travail » :

. La loi Sapin, de juin 2013, assouplissait déjà la possibilité de licencier. Avec une telle loi et les limites qu’elles apportent aux possibilités de recours des organisations syndicales, la lutte des Goodyears n’aurait pas duré 7 ans, mais 3 mois.

. La contre-réforme des retraites, de janvier 2014, allongeait de 6 trimestres la durée de cotisation et donc la durée du temps de travail sur une vie.

. La loi Macron, d’août 2015, étendait considérablement le travail de nuit et plafonnait les indemnités pour licenciements abusifs. Cette dernière disposition a été rejetée par le Conseil constitutionnel. Le PDL la reprend en retirant la notion de la taille de l’entreprise qui avait motivé la décision du Conseil constitutionnel.

. La loi Rebsamen, d’août 2015 qui, notamment, instaurait la possibilité de 3 CDD successifs (545 jours !) contre laquelle la jeunesse est vent debout.

Le PDL couronne l’ensemble de ces reculs et n’instaure aucune avancée sociale :

- Le « droit à la déconnexion »

Prévu par l’article 25 (page 102), ce droit est un leurre :

. La concrétisation de ce droit est renvoyée à un accord d’entreprise et donc à la bonne volonté de l’employeur, car sans sa signature, cet accord ne pourrait voir le jour.

. Dans les entreprises de moins de 300 salariés, l’employeur pourra rédiger une « charte » qu’il pourra élaborer seul après un simple « avis » du Comité d’entreprise ou des délégués du personnel.

- La concertation nationale sur le « télétravail » :

Prévue par l’article 26 (page 102), cette « concertation » commencerait le 1er octobre 2016, mais uniquement si le patronat le veut bien, car cet article ne lui impose rien. Ce n’est que de l’affichage.

- Le « Compte personnel d’activité » (CPA) est une illusion :

Le CPA est présenté comme une mesure qui équilibrerait les reculs du droit du travail. En réalité, c’est la même recette du pâté d’alouettes, déjà utilisée pour la contre-réforme des retraites la loi Sapin, la loi Rebsamen, la loi Macron, qui nous est resservie. À une différence près, cependant : le cheval de la « flexibilité » pour les employeurs est de plus en plus gros et l’alouette de la « sécurité » pour les salariés de plus en plus transparente.

Le CPA, prévu par l’article 22 (page 97) cumule deux comptes, censés suivre le salarié pendant toute sa vie professionnelle :

- Le Compte personnel de formation (CPF) :

Il n’est utilisable, durant le temps de travail, que si l’employeur donne son accord, aussi bien sur la durée que le contenu de la formation. Autant dire que ce « droit personnel » est soumis aux seuls intérêts immédiats de l’entreprise.

- Le Compte pénibilité :

Affiché pour contrebalancer, de façon très partielle, l’allongement de 6 trimestres de la durée de cotisation pour la retraite, ce compte devrait prendre en compte les facteurs de pénibilité subis par un salarié.

Il devait, au départ, prendre en compte 10 facteurs de pénibilité. Le PDL ne prévoit la prise en compte que de seulement 4 de ces facteurs. Les 6 autres sont renvoyés à la parution de décrets d’application après le 1er juillet 2016. Il serait étonnant que ces décrets voient le jour, car le patronat n’en veut absolument pas.

Ces facteurs de pénibilité ne sont pas mesurés par les postes définis par les Conventions collectives, mais individuellement pour chaque salarié. Un véritable parcours du combattant est instauré pour que le salarié concerné puisse faire valoir ses droits : les informations seront transmises par l’employeur aux Caisses de retraite qui les transmettront, ensuite, au salarié qui aura 3 ans pour contester…

VI- Les arguments du gouvernement pour tenter de justifier le PDL

Le Code du travail serait trop complexe :

- N’importe quel droit est complexe, le droit civil, le droit commercial, le droit fiscal… :

Aucune entreprise ne trouve anormal de devoir faire appel à un expert-comptable ou à un avocat pour mieux cerner les difficultés de ces droits. Pourquoi devrait-il en être autrement pour le droit du travail ?

- L’« épaisseur du Code du travail » est un mythe :

- Des Codes du travail d’autres pays n’ont aucune difficulté à être moins épais quand l’essentiel des textes de lois concernant le travail est dans leur code civil ou leur code commercial. De ce point de vue, la prestation télévisée de François Bayrou, comparant le poids du Code du travail français à celui du Code du travail suisse était une supercherie.

- Une grande partie de l’ « épaisseur » du Code du travail provient de la jurisprudence, ajoutée au texte, pour faciliter la compréhension des articles de ce code.

- Une autre partie importante de l’ « épaisseur » du Code du travail a pour origine les dérogations demandées et obtenues par le patronat. Si, par exemple, la loi sur le temps de travail se résumait à un seul article, ainsi libellé : « Le temps de travail légal, minimal et maximal est de 35 heures par semaine », le Code du travail perdrait aussitôt plusieurs dizaines de pages. Il en serait fini des durées de travail à géométrie variable, des modalités du temps partiel, de la modulation du temps de travail, du tarif des heures supplémentaires… Il n’est pas sûr que cela soit vraiment le souhait du MEDEF.

- Faire de l’accord d’entreprise la source essentielle du droit du travail comme prétend le faire le PDL complexifierait à l’extrême le droit du travail : il y aurait, en fin de compte, un droit du travail différent pour chaque entreprise.

- La « flexibilité » du droit du travail permettrait de lutter contre le chômage :

La « flexibilité du travail » devrait, selon les promoteurs du PDL, permettre de faire reculer le chômage de masse. Examinons les faits.

En France

L’évolution de la situation dans notre pays, sous le gouvernement de Lionel Jospin et sous la présidence de François Hollande prouve exactement le contraire de ce qu’avance le gouvernement actuel.

Depuis la victoire de François Hollande, les deux gouvernements successifs ont mené une politique continue de « flexibilisation du travail ».

Les résultats sont édifiants. Entre avril 2012 et fin 2015, le nombre des demandeurs d’emploi (catégories A, B, C, D et E de Pôle emploi), pour la France entière a augmenté de 1,7 million. Pour la seule catégorie A, ce nombre a augmenté dans le même temps, de 700 000.

Entre juin 1997 et février 2002, les résultats de la politique de Lionel Jospin furent bien différents

Combinée à la hausse du Smic, la réduction du temps de travail avait fait reculer le chômage de masse pour la première fois depuis deux décennies. Le nombre de demandeurs d’emploi toutes catégories avait diminué de plus de 600 000, et celui de la seule catégorie A de plus de plus de 900 000. L’espoir renaissait d’en finir avec le chômage de masse.

La loi Aubry votée en 1999 avait permis, dans les 2 années qui avaient suivi sa mise en application, la création de 400 000 emplois à temps plein. Le PDL réduit « les 35 heures légales » à un simple affichage et prend, ainsi, le risque de supprimer, dans le contexte actuel, beaucoup plus de 400 000 emplois.

Les « modèles » allemands, britanniques et néerlandais

Le chômage en France, insistent le gouvernement, la droite et le Medef, est dû au manque de « flexibilité du travail ». Il suffit de regarder la situation en Allemagne, au Royaume-Uni ou au Pays-Bas pour comprendre qu’avec un droit du travail beaucoup plus souple, le chômage est deux fois moins important.

Ils citent à l’appui les taux de chômage calculés selon les critères du Bureau International du Travail. (BIT). Selon ces calculs, le taux de chômage est de 10,3 % en France, mais de seulement 6,5 % aux Pays-Bas ; 5 % au Royaume-Uni et 4,3 % en Allemagne.

Le problème est que le taux de chômage calculé selon les critères du BIT n’a plus aucun sens. Ils considèrent que si une personne a travaillé pendant une heure au cours de la semaine précédente, elle n’est pas considérée comme demandeur d’emploi. Cette définition du chômage pouvait avoir un sens il y a 30 ou 40 ans, lorsque la situation était binaire : soit on avait un travail à temps plein en CDI, soit on était au chômage.

Aujourd’hui, avec cette définition, une personne qui travaille 4 heures par mois ou par semaine n’est pas au chômage. Une caissière de supermarché qui travaille 80 heures par mois, mais voudrait travailler à plein temps n’est pas considérée comme une demandeuse d’emploi.

Il n’est pas sûr que les personnes concernées aient la même perception du chômage que les statistiques du BIT.

Cette définition du chômage n’a plus aucun sens aujourd’hui. Elle ne permet pas de prendre en compte tous les travailleurs pauvres qui survivent avec des emplois précaires, des emplois en pointillés, des emplois à temps partiels ou très partiels, alors qu’ils voudraient un travail à plein temps.

Cette constatation est pleinement confirmée par les chiffres de l’OCDE concernant les salariés travaillant moins de 20 heures par semaine.

Salariés travaillant moins de 20 heures par semaine / nombre total d’emplois

- France : 5,9 %

- Allemagne : 12,4 %

- Royaume-Uni : 12,7 %

- Pays-Bas : 21,3 %

Salariés entre 15 et 24 ans travaillant moins de 20 heures par semaine / nombre total d’emplois occupés par des jeunes du même âge

- France : 9 %

- Allemagne : 12, 7 %

- Royaume-Uni : 24,2 %

- Pays-Bas : 50,7 %.

Comment, avec de tels modèles, Myriam El Khomri peut-elle se permettre de s’adresser à la jeunesse pour lui dire que son PDL a pour ambition d’en finir avec la précarité ?

L’avenir que nous réserve ce projet de loi est tout tracé : les 8 millions de « min-jobs » allemands à 400 euros ou moins par mois ; les « contrats zéro heure » britanniques qui laissent le temps de travail d’un salarié à la totale discrétion de son employeur, tant en ce qui concerne la durée (zéro heure, 1 heure, 10 heures 15 heures par semaine…) que l’organisation du temps de travail. Les intérêts de l’entreprise l’emportent alors totalement sur ceux des salariés qui n’ont plus aucun droit et doivent être à la totale disposition de l’entreprise (grâce à leur téléphone portable) pour ne pas perdre leur « contrat ».

Voilà ce qu’Emmanuel Macron appelle « s’adapter à un monde qui change » : le retour au libéralisme sauvage du XIXe siècle".

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Le blog de cfecgc.urssafnordpasdecalais
  • : (2ème blog, voir rubrique liens utiles : http://cfecgc.urssafnordpasdecalais.over-blog.com)
  • Contact

Présentation de livres

Le stress des cadres, Bernard Salengro

Cet ouvrage propose des témoignages suivis d'explications et d'analyses donnant des clés pour la compréhension et la prévention des pratiques de harcèlement moral au sein des entreprises. Les professionnels et membres d'encadrement sont d'autant plus concernés qu'ils sont les plus touchés.  Les entreprises sortiront gagnantes d'une prise en compte de ce phénomène à sa juste réalité en ne pratiquant plus le déni.

Le management par la manipulation mentale
, Bernard Salengro, L'Harmattan, 2006

Bernard Salengro met dans son second ouvrage, l'accent sur des situations vécues comme des manipulations. Par leur sincérité et l'analyse que Bernard Salengro a pu en faire à la lumière des derniers travaux de psychologie, les témoignages poignants publiés dans cet ouvrage donnent de précieuses clés pour la compréhension et la prévention de pratiques de harcèlement moral au sein des entreprises.

Journal d'un médecin du travail,
 Dorothée Ramaut, édition Le Cherche midi, 2006

Présentation de l'éditeur :
Un adage affirme : " le travail c'est la santé ".  
Réalité ? Peut-être pas. Il s'agit même pour certains d'une véritable torture morale. Le journal tenu par le docteur Dorothée Ramaut pendant six ans est un témoignage unique de la détresse et la souffrance psychologique des salariés d'une grande surface. Elle y dénonce un harcèlement " stratégique " et systématique appliqué à l'ensemble de la hiérarchie. Le docteur Ramaut est le premier médecin du travail à rompre le silence trop longtemps gardé sur ces méthodes " contraires aux droits de l'homme ".

Stupeur et tremblements
, d'Amélie Nothomb (roman), Le Livre de poche, 2001

Employée comme interprète au sein d'une entreprise japonaise, l'héroïne se retrouve, après plusieurs incidents, rétrogradée au simple rang de "nettoyeuse de chiottes". Description d'un monde du travail très particulier...

Harcèlement moral dans la vie professionnelle, 
 Marie-France Hirigoyen, Pocket, 2002

Le harcèlement moral au travail est une des violences les plus destructrices qui soient. Le succès du premier ouvrage de Marie-France Hirigoyen, paru en 1998, démontre que chacun d'entre nous est un pour l'acteur ou le témoin de ce phénomène social dont on ignorait jusque-là l'ampleur. Depuis, les témoignages se sont accumulés, de multiples affaires ont éclaté, dans le public ou le privé, un débat permanent s'est instauré dans les médias entre psychologues, chefs d'entreprise, syndicalistes, parties prenantes de ce fléau ordinaire. Riche de quatre années d'expériences et de réflexions nouvelles, Marie-France Hirigoyen, dans ce second ouvrage paru sous le titre original "Malaise dans le travail, harcèlement moral - Démêler le vrai du faux", affine son analyse, poursuit son combat, afin de mieux comprendre et prévenir.

Le harcèlement moral au travail,
 Philippe Ravisy, édition Dalloz-Sirey

Face noire du monde du travail, ce mal n'épargne personne : cadres, employés, fonctionnaires...
De silences en sous-entendus, de brimades en vexations, de déstabilisations en humiliations, le harcèlement s'installe. Aller au travail devient un enfer. La dépression succède à l'incompréhension. Le législateur est heureusement intervenu pour combattre ce fléau avec la mise en place d'un " dispositif anti-harcèlement " : d'un côté, la loi interdit, sanctionne et prévient ; de l'autre, elle protège et facilite la preuve.
L'apport des toutes dernières décisions de justice est aussi essentiel pour déterminer et mettre en cause les responsabilités de chacun, en particulier celle de l'employeur. Philippe Ravisy, l'un des tous premiers avocats à s'être préoccupé du sort des victimes, explique dans ce livre comment faire pour s'en sortir et obtenir réparation. Précis, complet, accessible à tous, il permet de trouver sa solution et de la mettre en œuvre.
 
La persécution au travail, de Heinz Leymann

Ce livre - best-seller en Allemagne et dans les pays nordiques, publié une première fois en France sous le titre « Mobbing » révèle l'étendue d'un vaste fléau. De nombreux salariés sont, sans raison valable, victimes de leurs collègues, de leurs supérieurs hiérarchiques, parfois même de leurs subordonnés coalisés contre eux: on les harcèle, on les met en quarantaine, on les humilie, on tente de les briser par tous les moyens. 
Comment identifier la persécution professionnelle? Comment la combattre? Quels sont les recours dont dispose le salarié? En répondant à ces questions, H. Leymann en appelle à la constitution concrète d'une véritable éthique professionnelle. 

L'open space m'a tuer,  Alexandre des Isnards et Thomas Zuber 
 
Le livre met en scène des tranches de vie en racontant le quotidien pas toujours glorieux des jeunes cadres des années 2000. Fini le jeune ambitieux des années 1980. Le trentenaire d'aujourd'hui prend ses RTT, ses congés, et pense que la vraie vie est ailleurs. Réussir sa vie et sa carrière semblent devenus deux objectifs antinomiques. 
Les nouvelles méthodes de management sont peut-être alléchantes sur le papier, mais carbonisent vite les jeunes recrues qui, passée l'ivresse des premiers mois s'éloignent de l'entreprise. Malaises vagaux sur le lieu de travail, dépendance médicamenteuse, dépression, départ du jour au lendemain de jeunes bardés de diplômes pour une ONG humanitaire : les jeunes cadres dynamitent. Jusqu'à présent, ils continuaient à faire bonne figure. Avec ce livre, ils décident enfin d'ôter le masque.

Petit traité contre le sexisme ordinaire de Brigitte GRESY
LE LIVRE 

Entrons en résistance ordinaire contre le sexisme ordinaire ! 

Ce que l’auteur nomme « sexisme ordinaire » ne relève ni de la discrimination ni de l’inégalité avérée pour lesquelles il existe des lois. Il s’agit de tous ces petits signes de la vie de tous les jours, ces minuscules blessures, mots et signes de condescendance, de rejet, de paternalisme qui infantilisent souvent les femmes sans qu’elles sachent comment y faire face.  

Dans les relations de travail, entre collègues, face aux cadres dirigeants ou quand elle est supérieure hiérarchique, une femme rencontre quotidiennement ce qui fait le gisement du sexisme ordinaire : condescendance, dénigrement, obstruction, exclusion, fausse courtoisie, 

blagues douteuses. A travers un certain nombre d’anecdotes prises sur le vif, l’auteur débusque avec passion mais aussi humour, ce qui entrave, blesse, contrarie ou bloque le comportement des femmes et les rend parfois impuissantes à réagir. Et elle propose une sorte de boîte à outils personnelle pour mener des opérations de résistance au quotidien. Le propos est ici celui de la connivence, de l’invitation au jeu si important de la négociation pour ne pas perdre la face et ne pas faire perdre la face à l’autre, et pour aider à tracer son chemin face aux stéréotypes et à la guerre larvée de l’égalité.  

L’auteure renvoie à un site WWW.sexismeordinaire.com pour qu’hommes et femmes racontent leurs propres histoires vécues dans leur milieu de travail.  

L’AUTEUR 

Brigitte Grésy, énarque et agrégée de grammaire, a été directrice de cabinet de la ministre de l’égalité professionnelle et de la parité. Elle est actuellement inspectrice générale des affaires sociales, rapporteure de la commission sur l’image des femmes dans les médias et a remis en 

juillet dernier au ministre du travail un rapport sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.  

 

Osez le dialogue social dans l'entreprise

 

Faire du dialogue social un levier de la performance globale de l’entreprise en prenany en compte les attentes des salariés, c’est possible ! 

Qui a dit que le dialogue social était bloqué en France ? Tous les jours, dans des entreprises, même en temps de crise, dirigeants et syndicalistes discutent, négocient et trouvent des solutions nouvelles alliant performance globale de l’entreprise et prise en compte des attentes des salariés. 

Comment formaliser le dialogue social dans une PME en croissance ? 

Comment mettre en oeuvre l’accès des personnes handicapées à l’emploi ?

Comment anticiper les besoins de formation des salariés pour sécuriser leurs parcours professionnels et développer l’entreprise ?

Comment concilier droit des saisonniers et qualité du service touristique ? 

En neuf cas d’entreprises de tailles et de secteurs variés, cet ouvrage donne la preuve par l’exemple que le dialogue social est bénéfique pour les salariés comme pour la performance durable des entreprises. 

La parole y est donnée à des dirigeants et syndicalistes qui racontent sans fard les réalités de leur dialogue social. 

Les rédacteurs : 

Marie-Noëlle Auberger, consultante et rédactrice dans le domaine des relations sociales, de la gouvernance et de la responsabilité sociétale des entreprises.(www.gestionattentive.com). 

Nicolas Duffour, journaliste, conseil en communication, animateur de débats et colloques, présentateur d’IPSOS TV. 

Dominique-Anne Michel, journaliste, réalisatrice, conseil et formatrice en communication. Coordinatrice éditoriale de l’ouvrage. 

François Perrin, journaliste. 

Jean-Paul Guillot est docteur d’État es sciences économiques. Créateur, dirigeant et administrateur d’entreprises, il est président de Réalités 

du Dialogue Social (RDS), depuis 2005. 

Carmen Rubia est diplômée du Centre de Formation et de Perfectionnement des Journalistes. Directrice adjointe des relations extérieures du groupe Aprionis, elle est responsable du groupe de communication de RDS. 

L’association RDS réunit des entreprises, des structures publiques et l’ensemble des organisations patronales et syndicales représentatives au plan national. Lieu d’échanges ouvert, elle s’attache à promouvoir un dialogue social de qualité. 

 

(source : www.cfecgc.org) 

Recherche